Hervé Poncharal ou la révolution pacifique !

Publié le 02 02, 2021 dans la catégorie Stories

Comment disrupter le fonctionnement d’un MotoGP aussi rodé qu’ancré dans ses habitudes, ses attributions, ses premiers et seconds rôles.

Boss de l’écurie Française Tech3 (qui ne le sait pas ?), mais aussi président de l’IRTA depuis un bail, 2006 pour être précis, l’homme est donc reconnu par ses pairs puisque cette entité défend les intérêts des teams de grand prix, mais ses détracteurs iront jusqu’à le qualifier de consensuel. Un peu mou du genou quoi… ok… voyons…

Consensuel… mais pas trop !

On ne va pas vous conter l’histoire longue comme un jour sans pain du bonhomme, tant il arpente les paddocks depuis belle lurette. Juste faire une sorte d’état des lieux, car il faut rendre à César ce qui lui appartient.

Hervé Poncharal est un passionné, il a la course moto chevillée au corps, il vit cette passion au travers de son équipe bâtie voilà plus de 30 piges, et ses comparses, en font autant… et, grâce aux dons de manageur du boss, en vivent, ce qui n’est pas négligeable. Accessoirement, nous la vivons, cette même passion, avec les émotions suscitées par des décades de compétitions au plus haut niveau. Quel fan n’a pas hurlé tout du long de cette interminable ligne droite de Philip Island voilà quelques 20 piges. Même si, ok, ça ne rajeunit pas grand monde ; quel final en apothéose, pour truster le championnat aux première et deuxième places. Mais revenons à nos moutons (montures seraient plus appropriées ?), si le sieur Poncharal est majoritairement encensé par le paddock, certains, en grattant bien, lui trouvent quelques petits défauts.

Cet empêcheur de tourner en rond et grande gueule de Cal (#35 Crutchlow) prétendait à qui voulait l’entendre, que la M1 satellite dont il disposait était foncièrement différente des spécifications de celles full factory. Hervé Poncharal, alors son boss, l’aura contredit plus d’une fois, s’attirant quelques critiques. On lui a, ainsi fait le - faux - procès de vouloir seulement rester dans les bonnes grâces de Yamaha, en “désavouant” son pilote.

Aprilia, au contraire de Suzuki qui prend alors son temps, précipite son retour en MotoGP, en imposant à un Melandri, loin d’être convaincu, de piloter un tréteau, une quasi CRT sous forme de RSV4 améliorée, et voici notre Hervé, un rien langue de bois, déclarant que ceux-ci font un travail fantastique pour leurs retrouvailles avec la catégorie reine. 

On peut dire quelques menues choses pas forcément laudatives du bonhomme, mais que valent ces reproches face aux faits, car il reste les faits. Et ceux-là gravent un homme dans le marbre de l’histoire du MotoGP !

Alors… ?

Alors… après avoir entamé une collaboration avec la marque aux diapasons en leur ramenant le titre en catégorie intermédiaire (à l’époque des 250cc) avec un certain Olivier Jacques qu’on évoquait plus haut pour les connaisseurs, et ce, en seulement deux saisons.

Alors… après de nombreuses années où Tech3 fut classée meilleure équipe indépendante.

Alors… après une saison 2016 avec le -seul- double champion du monde Moto2, un certain JayZi (comme diraient les commentateurs officiels du site motogp.com) qui tailla plus souvent qu’à son tour des croupières aux pilotes usine d’Iwata. Saison où, une fois de plus, en vue de la suivante, on lui refusa un machine aux spécifications usine. 

Alors… après 20 ans de bons et loyaux services, je pense que le “ron-ron” du team satellite fidèle, malgré de magnifiques résultats, commençait à peser à ce dingue du défi qu’est Monsieur Poncharal. 

Alors… il envoya tout bouler !

Un choix risqué… mais loin d’être idiot.

J’aurais voulu être une petite souris le jour où il proposa à son équipe de “lâcher” Yamaha pour aller vers KTM, une écurie qui avait alors encore tout à prouver, avec de sacrés challenges à vouloir imposer le cadre treillis acier et ses propres suspensions WP, quand tout le reste du plateau ne jure que par les doubles poutres aluminium et la marque iconique Öhlins . Il fallait avoir une sacrée paire (d’hémisphères s’entend) pour décider d’une pareille aventure.

Voici comment se posaient les choses, d’une part l’impossibilité d’évoluer chez Yam et rester ad vitam aeternam avec le statut de team satellite dans un organisation bien huilée, disposant de machines de la saison précédente avec, au mieux, quelques améliorations en cours d’année. Ceci à opposer au nouveau deal signé avec la marque autrichienne qui lui promettait des motos officielles, strictement identiques à celles présentes au sein du team usine, bien que cela ait pris réellement un an avant que ce ne soit totalement le cas.

Et, d’autre part, planait une ombre menaçante sur la pérennité de l’accord le liant à Yamaha. Là où en fait de pérennité Tech3 pouvait se retrouver le bec dans l’eau…

Bruissait alors la rumeur, qu’à l’occasion d’une hypothétique retraite du Doctor, une nouvelle équipe au nom de VR46 allait prendre ses quartiers en catégorie reine, et que, celle-ci, bien-entendu, se verrait confier les machines satellites d’Iwata. Face au rouleau compresseur Rossi, son titre d’ambassadeur Yamaha dans le monde, et les ventes que cela génère, le petit poucet de Bormes-les-Mimosas aurait été mangé tout cru, obligé de céder ses machines au nonuple champion du monde.

Mais ça, c’était avant le tour de passe-passe de notre principal intéressé, monsieur Poncharal. Avant son coup de semonce. Avant qu’ en changeant de crèmerie, il ne mette le motoGP cul par-dessus tête.

Un choix payant… pour tout le plateau motoGP

Depuis, telle l’eau qui coule sous les ponts, il y a bien des tours de pistes qui ont été effectués. Et les teams satellites prétendent maintenant tous à la victoires, de multiples podiums, de pôle position, des records du tour, des hat-tricks… en témoigne cette saison 2020 complètement folle. Mais que s’est-il donc réellement passé ??? Monsieur Poncharal a montré la voie ! Loin du caractère consensuel qu’on a pu lui reprocher, et avec la manière, s’il vous plaît ! Sans doigt d’honneur ni esclandre, en remerciant même la fidélité de l’usine Japonaise à son écurie. Et si le sorcier Dall’Igna avait déjà plus ou moins appliqué la recette avec Pramac, voici que même Yamaha, acculé par la concurrence s’y mettait : fournir des machines officielles aux teams satellites. Voire même “placardiser” Rossi dans ledit team (je sens que je vais me faire des potes moi là). Et si avant cette révolution, on pensait que les machines satellites/usines de la firme aux diapasons iraient, de droit, à la VR46, l’histoire est devenue une sorte de légende urbaine car un certain team Petronas Yamaha SRT a supplanté l’officiel. Un tout nouveau team (même si ses acteurs, Stigefelt, Zeelenberg, ou encore Forcada sont des machines de guerre bien rôdées) qui ne vit le jour que par la sortie de l’écurie Tech3, aussi mémorable que transcendante, du giron d’Iwata. Six victoires au compteur face à une seule revendiquée par le team officiel. Vinales pouvant dire merci, au passage, à Peco de s’être bourré à Misano. 

Et que dire des prestations enregistrées par Tech3 cette année, meilleures en termes de victoires que celles des officiels de chez Katoche ?

Avec une dernière course ménageant au Sorcier à la crinière blonde, le non moins connu Guy Coulon, un départ à la retraite sur la plus haute marche du podium, Monsieur Poncharal lançant à cette occasion, un rien bravache (même si je suis certain qu’il se défendrait de mon “analyse”), aux pontes de KTM, parlant d’un Oliveira victorieux avec l’art et la manière : “Il est prêt pour le team Officiel !”

Pas si con… et très sensé.

En 2016, à l’époque de la polémique sur les winglets introduits par Dall’Igna, et à l’inverse d’une pensée alors largement dominante, voulant abroger ces appendices aérodynamiques, Hervé, déclarait, mine de rien, que l’essence du motoGP était de faire courir des prototypes, qu’il fallait laisser libre cours à l’imagination et l’inspiration des ingénieurs, à l’innovation, au chamboulement… 

Les winglets furent réglementés, quelques peu castrés, mais ont évolué et se sont imposés dans la durée. Personne n’imagine aujourd’hui qu’une motoGP n’en soit pas affublée, tout comme aucune usine n’envisage désormais d’avoir un team satellite non pourvu de machines du même niveau que celles du team officiel. 

Tout autant que les ailerons de Dall’Igna ont révolutionné l’aérodynamique DES motoGP, les décisions de Monsieur Poncharal ont bouleversé l’échiquier DU motoGP.

En un mot et un seul : Bravo !

Moto GP photo de bas de page